Que deviennent nos bourgmestres après les élections?

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Ce 14 octobre 2018, les électeurs belges vont renouveler leurs conseils communaux. De manière indirecte (Région flamande et bruxelloise) ou plus directe (Région wallonne)[i], les résultats de ces élections auront un impact sur l’identité des personnes qui prêteront serment en tant que bourgmestres en décembre 2018. Car en plus du défi d’être élu, les candidats au poste de bourgmestre doivent encore être désignés à ce poste par le conseil communal. Cette double incertitude - qui se répète tous les six ans - fait partie intégrante des caractéristiques de la carrière de bourgmestre.

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Dans le cadre d’un projet de recherche mené par l’UCLouvain et l’UNamur, nous avons interrogé 171 bourgmestres wallons et bruxellois sur leur travail, leur engagement politique, leur vision pour leur commune et leurs opinions quant à diverses problématiques actuelles. Les résultats de cette enquête ont été publié sous la forme d’un Courrier Hebdomadaire du CRISP. En complément de cette publication, nous présentons ici les questions de cette enquête traitant des ambitions des bourgmestres pour l’après-2018.

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Pour certains bourgmestres, l’aventure mayorale s’arrêtera à la suite du prochain scrutin, que cela soit par choix (prendre sa retraite, réorienter sa carrière, etc.) ou par nécessité (le/la bourgmestre n’aura pas obtenu assez de voix ou n’aura pas été désigné, sa liste ne fera plus partie du collège, etc.). Pour ces bourgmestres, il convient alors d'opérer un nouveau choix de carrière. Parmi les 125 bourgmestres ayant accepté de répondre à nos questions sur cette thématique (voir la fiche technique finale sur le profil et la répartition des bourgmestres répondants), une large majorité d’entre eux (77,6 %) désire continuer leur carrière politique après 2018. Parmi ceux-ci, plus des deux tiers souhaitent garder l’écharpe mayorale et ils ne sont que huit à souhaiter continuer leur carrière à une autre fonction locale (échevin(e), président(e) de CPAS ou conseiller(ère) communal(e)) tandis qu’une carrière aux échelons supérieurs – à savoir aux niveaux provincial, régional, national ou européen – n’attire en tout et pour tout que cinq bourgmestres répondants (voir tableau 1). La carrière politique locale est donc la priorité numéro un de ces bourgmestres après 2018.

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Mais certains bourgmestres sont également déçus ou fatigués de la politique et d’autres se sentent atteints par l’âge ou la maladie. Pas moins de 22,4 % des bourgmestres désirent mettre un terme à leur carrière politique en décembre 2018 et terminer ce qui fut – pour nombre d’entre eux et selon leurs propos – « une des plus belles expériences de leur vie » (voir tableau 1). Parmi ces bourgmestres, ils ne sont pas moins de 20 à souhaiter prendre leur retraite, indépendamment de leurs résultats électoraux. Ils sont enfin une petite poignée à affirmer vouloir se diriger ou retourner vers le secteur privé après les élections. Nous retrouvons ici les bourgmestres déçus par la politique ou qui souhaitent retrouver à temps-plein leurs activités professionnelles antérieures et mises entre parenthèses pendant quelques années.

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Réponses Pourcentage
Je veux continuer ma carrière comme bourgmestre 84 67,2 %
Je veux continuer ma carrière politique au niveau local, mais pas comme bourgmestre 8 6,4 %
Je veux continuer ma carrière politique au niveau régional/provincial 2 1,6 %
Je veux continuer ma carrière politique au niveau national 1 0,8 %
Je veux continuer ma carrière politique au niveau européen 2 1,6 %
   Sous-total 97 77,6 %
Je veux quitter la politique pour retourner dans le secteur privé 8 6,4 %
Je veux quitter la politique pour prendre ma retraite 20 16 %
   Sous total 28 22,4 %
   Total 125 100 %
Tableau 1 - L'après octobre 2018

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Étant donné l’évolution de la législation et des mentalités en matière de cumul des mandats, il n’est pas surprenant de remarquer que très peu de bourgmestres souhaitent continuer leur carrière politique après 2018 aux niveaux provincial, régional, national ou européen. Nous avons néanmoins demandé aux bourgmestres quel niveau de pouvoir ils choisiraient dans l’hypothèse où ils deviendraient parlementaires (donc à partir de 2019, les prochaines élections européennes, fédérales et régionales ayant lieu le 26 mai 2019). Près de la moitié des bourgmestres souhaiterait siéger au parlement régional (48,8 %) contre moins d’un quart au parlement fédéral (23,3 %). Les autres bourgmestres n’ont aucune préférence et ont indiqué trouver les deux niveaux tout aussi attrayants ou préfèrent se concentrer sur le niveau local. Cette préférence pour le parlement régional peut se comprendre étant donné que les bourgmestres gardent toujours en vue le niveau local et perçoivent la région comme étant la plus propice à agir sur les communes, les matières locales et les citoyens (bien que la barrière de la langue au niveau fédéral ait également été mentionnée pour justifier le choix régional).

Fiche technique du volet wallon et bruxellois de l’enquête European Mayor

Les bourgmestres issus de 171 communes (sur 281) ont accepté de prendre part à notre enquête : 158 communes wallonnes sur 262 (soit 60,3 %) et 13 communes bruxelloises sur 19 (soit 68,4 %). 176 personnes ont répondu au questionnaire (sur les 295 contactées), soit un taux de participation de 59,7 % car nos répondants incluent également 8 bourgmestres empêchés et 11 bourgmestres faisant fonction.

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Le taux de réponse est supérieur à 50 % dans toutes les provinces wallonnes. Les bourgmestres issus de communes de plus de 10 000 habitants et/ou à forte densité de population présentent un taux de participation légèrement plus important que les communes de moins de 10 000 habitants et/ou à faible densité de population. Le taux de participation à notre enquête est également supérieur à 50 % dans toutes les catégories socio-économiques de communes, même si les chiffres de participation varient d’un type de communes à l’autre.

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Le taux de réponse varie également selon la couleur politique du/de la bourgmestre puisqu’ont répondu à notre enquête les bourgmestres wallons et bruxellois Ecolo (100 %), cdH (62 %), MR (59,6 %) et PS (54,4 %), ainsi que la moitié des bourgmestres Défi et ProDG. 80 % bourgmestres indépendants ont répondu à nos questions. La grande majorité des bourgmestres répondants sont des hommes (153, contre 23 femmes) étant donné que les hommes sont en général surreprésentés dans la fonction mayorale. La moyenne d’âge des bourgmestres répondants est de 58 ans mais les répondants masculins sont en moyenne plus âgés que leurs homologues féminins. Enfin, les bourgmestres faisant fonction sont légèrement plus nombreux à avoir répondus à nos questions, devant les bourgmestres en titre et les bourgmestres empêchés.

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[i] En Flandre et à Bruxelles, le/la bourgmestre est désigné par le conseil communal renouvelé suite aux élections. En Wallonie, le/la bourgmestre est le/la conseiller(ère) communal(e) qui a obtenu le plus de voix de préférence sur la liste de la majorité qui a obtenu le plus de voix, à l’exception de la Communauté germanophone où la désignation se fait par le conseil communal comme en Flandre et à Bruxelles Il faut également noter que le/la bourgmestre doit être de nationalité belge dans les trois régions.

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Article de référence: Verstraete D., Devillers S., Dandoy R., Dodeigne J., Jacquet V., Niessen C., Reuchamps M. (2018) « Les rôles, fonctions et choix politiques des bourgmestres en Wallonie et à Bruxelles », Courrier hebdomadaire du CRISP, n°2376, 49 p. Disponible également sur CAIRN.

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Régis Dandoy est chercheur au Centre de Politique Locale à l’Université de Gand et chargé de cours invité à l’UCL. Ses recherches portent sur la politique belge, les programmes électoraux, les élections locales et régionales, et le fédéralisme.

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  Christoph Niessen est doctorant en sciences politiques et sociales à l’Université de Namur et l’Université catholique de Louvain. Il est boursier FRESH du Fonds de la Recherche Scientifique (F.R.S.-FNRS). Ses recherches portent sur les dynamiques d’autonomie dans des Etats multinationaux ainsi que sur des innovations de démocratie délibérative et leur réception par des acteurs traditionnels de la prise de décision.

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Sophie Devillers est doctorante en sciences politiques à l’Université catholique de Louvain. Ses domaines de recherche sont principalement la démocratie participative et délibérative et la politique locale.

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Jérémy Dodeigne est professeur de sciences politiques à l’Université de Namur. Au sein de l’Institut de recherches TRANSITIONS, il étudie les processus de régionalisation et de fédéralisation, la carrière et le comportement législatif des parlementaires ainsi que les processus électoraux (communal, régional et fédéral) en Belgique et en Europe. Il est membre du Conseil d’Administration de l’Association belge francophone de science politique.

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  Vincent Jacquet est chargé de recherches FNRS à l’UCLouvain. Ses travaux portent sur la démocratie délibérative, la participation citoyenne, les transformations des modèles démocratiques et la politique locale belge.

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. Min Reuchamps est professeur de science politique à l’Université catholique de Louvain. Il est diplômé de l’Université de Liège et de Boston University. Ses enseignements et ses recherches portent sur le fédéralisme et la gouvernance multi-niveaux, la démocratie et ses différentes facettes, les relations entre langue(s) et politique(s) et en particulier le rôle des métaphores, ainsi que les méthodes participatives et délibératives. Il a publié plusieurs dizaines d’ouvrages et articles sur ces thèmes. Il a été administrateur (2009-2018), secrétaire (2012-2015) et président (2015-2018) de l’Association belge francophone de science politique (ABSP).

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Dylan Verstraete effectue un Master en sciences politiques à l’Université Catholique de Louvain. Son intérêt se porte sur les alternatives à la démocratie représentative au niveau local.

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